Vienne, début du XXe siècle. Comme tous les matins, un jeune homme sort de son immeuble situé sur une avenue huppée et prend le trolley qui l’emmène à l'école. En chemin, il rêvasse et fait le point sur ses connaissances. Il maîtrise déjà cinq langues - dont le latin et le grec – et a une mémoire d’éléphant. C’est déjà pas mal ! Mais cela ne lui suffit pas. Alors, sous les arbres de la célèbre avenue, il se lance un triple défi : il sera le meilleur amant de Vienne, le meilleur cavalier d’Europe, et le meilleur économiste du monde !
Fou ? Vraiment ? Pour Joseph Schumpeter, pas complètement ! Marié trois fois, on lui connaît en outre de multiples conquêtes. Professeur d’économie dans la prestigieuse université américaine d’Harvard, il a marqué des générations d’étudiants. Et s’il disait lui-même n’avoir atteint que deux de ses trois objectifs, c’est peut-être parce que le cheval n’était plus d’une grande utilité à l’âge de la voiture. Mais ce qui est certain, c’est que sa pensée a traversé les décennies. Ses recherches sur le marché du travail ont donné naissance à un concept clé, au nom complètement paradoxal : la destruction créatrice...
Pour cet auteur, au cœur même du système capitaliste se trouve l’entrepreneur, qu’il convient de ne pas confondre avec le chef d’entreprise. En effet, pour Joseph Aloïs Schumpeter, l’entrepreneur est l’agent du changement, qui introduit de nouveaux produits, de nouvelles méthodes de production, exploite une nouvelle source de matières premières ou encore ouvre de nouveaux marchés. Autrement dit l’entrepreneur est celui qui prend le risque d’innover, alors même que le chef d’entreprise est celui qui dirige l’entreprise mais qui n’innove pas forcément.
L’entrepreneur-innovateur est principalement motivé et guidé par la recherche du profit ce qui le conduit à innover de manière à pouvoir percevoir un surprofit, c’est-à-dire un profit d’innovation qui est supérieur aux profits habituellement réalisés par les entreprises concurrentes. Ce surprofit peut être dû au fait qu’une innovation de procédés (comme une nouvelle technique de production ou une nouvelle organisation du travail) lui a permis de réduire ses coûts de production et ainsi, pour un même niveau de prix de marché, d’accroître sa marge bénéficiaire par unité produite. Le surprofit peut aussi être dû au fait que l’invention d’un nouveau produit ou l’amélioration d’un produit déjà existant lui a permis de se retrouver en situation temporaire de monopole et de devenir ainsi price-maker.
Les surprofits réalisés par l’entrepreneur-innovateur vont amener les entreprises concurrentes à imiter cette dernière en introduisant l’innovation de procédés dans leurs propres processus de production ou en cherchant à proposer un bien ou un service similaire à celui nouvellement créé. Ce phénomène d’imitation entraîne une succession d’innovations qui finalement apparaissent en grappes.1
1 Schumpeter, J. A. and Fain, G., 1951. Capitalisme, socialisme et démocratie (pp. 168–193). Paris: Payot.
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